Là où nous jouions sur la route sans nous soucier du danger avec une balle qui foutait le camp pour aller se frotter aux grenouilles. Et puis, cette époque où quelques rangs de vignes pouponnaient nos jeux d’aventure et nos premières tendresses. Que le monde était beau et que les filles étaient jolies ! Prémices de la curiosité qui empruntaient vite les sentiers de la honte à l’approche de la table familiale, avec cette impression de tout avoir imprimé sur le front.
Et puis, dans ce bien plus tard, un volume fatigué sur la table pour nous inviter à ce que la parole circule. Un rideau de perles entre les colonnes pour laisser l’air en mouvement. Quatre chaises de paille éventrées par reconnaissance pour avoir supporté trop de formes rondes. Une mise en scène comme si il n’y en avait pas !
Ici, les mots ont pris le pouvoir des journées entières et le son s’est décoré du langage occitan jusqu’aux feuilles affairées par le vent. Un vigneron debout, une posture légale, tout oblige à penser et à épandre pour que le vide prenne le moins de place possible. Une terre rude qui nourrit ses hommes tant bien que vaille. Des rires et des soupirs entre deux ruelles. Une fontaine pour point de ralliement. Des murs de pierres sèches pour se parer de l’ardent. Quelques cigales qui scandent en cadence à l’abri des regards. Une brassée de garrigue et puis le temps qui n’en finit pas de se détendre. C’est une célébration permanente à l’inépuisable arpenteur adepte du monde des heureux.
Chanceuse époque d’insouciance où les journées paraissaient longues et la vie éternelle. En ce temps-là, je ne concevais nullement l’idée de l’amour comme celle de l’oubli.
Savall d’Arvo