En ces temps-là, il vivait insouciant dans la « nonchalance d’un présent heureux » ! Certains le croyaient magicien au grand bazar de son coin, capable d’un revers d’imagination de se métamorphoser en écureuil comme en palefrenier, en Richard Cœur de Lion comme en Diogène, en une allée de pins parasols tordus comme en une patinoire pour enfants sages… alors qu’il n’était qu’un simple raconteur d’histoires !
Ces contes foisonnent d’allégories troublantes, de symboles tenaces jusqu’à la surabondance en transmettant ses exubérances dédiées à ses collines en vagabondage où il raconte le détail de ses brûlures, les impudences sonores de son village et celles de ses ruelles qui se poudrent d’ensoleillades comme de vieilles duchesses. Un minuscule court-circuit perdu dans son temps, un songe éveillé, une indocilité résistante.
Artiste de la solitude, il trempe ses éclipses et ses éclaircies intermittentes, il épouse les bercements du temps qui passe et transforme sa mémoire sensible en leçons de vie : « il n’y a pas que la jeunesse qui existe, elle se prolonge jusqu’à la fin extrême, elle se décompose mais ne disparaît jamais »
Et puis, retour sur ce monde qui n’en est plus vraiment un : il en a assez de ses canailles d’apparat qui ne sont même plus des Don Quichotte, de ses candides qui ovationnent le feu qui n’a plus rien d’artifice, de ces êtres cupides et de ses arrogants qui s’emparent d’un trône qui n’est qu’un strapontin, alors que pendant ce temps-là, deux amoureux graciles freinent les fureurs de la ville.
Ce ne sont pas que les écrits d’histoires démodées qu’il feuillette, mais ce sont aussi celles où l’herbe traverse le béton, là où la vie reprend le dessus. Il paraîtrait que c’est ainsi que les écorchés grandissent et que de belles pousses prennent un jour la lumière.
A l’échelle de l’espace et du vaste infini, tu as fini par oublier que nous sommes insignifiants, nos revers et nos triomphes aussi : « N’aime jamais. Admire, dévore, enchante, mais n’aime jamais ou tu seras dépouillé »
Savall d’Arvo